Notre panneau de contrôle unique

Tom a raté le bus scolaire.
Que peut faire l’accompagnatrice familiale?

Tom est un jeune garçon autiste de 14 ans au développement intel-lectuel normal. Anne est accompagnatrice à domicile et passe voir Tom et sa famille toutes les semaines. Elle aide le jeune autiste à gagner en autonomie, à la maison comme à l’école. Ces derniers temps, il est arrivé plus d’une fois que Tom rate son bus. “Il passe près d’une heure tous les matins dans la salle de bain !”, se plaignent ses parents. Les parents et les enseignants ont beau multiplier les récompenses et les sanctions, rien n’y fait.

Anne veut s’attaquer au problème et commence par observer le rituel matinal. Tom se douche et s’habille relativement vite, mais il passe une demi-heure à se brosser les dents. Anne se réjouit d’avoir trouvé si vite la cause du retard systématique. Elle se met aussitôt en quête d’une chanson qui devrait plaire à un garçon de son âge et lui explique que le lendemain, il doit se brosser les dents le temps de la chanson. Elle revient une semaine plus tard. Et constate que rien n’a changé

À l’aide du panneau de contrôle PC-11 de l’ApprocheCommunication-Concrète, elle part à la recherche d’autres solutions.

Elle se dit que sa stratégie avec la chanson aurait certainement fonc-tionné avec d’autres personnes, mais apparemment pas avec Tom. Elle en conclut qu’elle n’a pas assez tenu compte de la cognition autistique. L’année dernière, Tom n’était quasi jamais en retard à l’arrêt de bus, et pourtant il se brossait aussi les dents tous les matins. Qu’est-ce qui a changé ? Une chanson aurait pu aider Tom si son problème avait été lié à la perception du temps : pendant combien de temps suis-je censé me brosser les dents ? Mais apparemment, la perception du temps n’est pas en cause. Se serait-il passé quelque chose avec le brossage des dents proprement dit au cours des dernières semaines ? Anne décide d’in-terroger les parents de Tom à ce sujet.

Se brosser les dents est une activité riche en inputs sensoriels. Les soies de la brosse à dents dans la bouche, la salive, l’odeur ou le goût du dentifrice… Anne s’attache à tous les stimuli. Se pourrait-il qu’ils soient source de confort de base pour Tom ? Ou au contraire source d’inconfort ? On n’y pense pas toujours, mais un changement de brosse à dents ou de marque de dentifrice peut être difficile à digérer pour une personne autiste. Mais Tom s’exprime rarement sur ce type de choses. Plus d’une fois, Anne l’a déjà interrogé sur ce qu’il trouve pénible ou sur les sensations qui le perturbent, mais généralement, Tom se contente de soupirer ou de hausser les épaules.
C’est donc avec un tas de questions qu’Anne se tourne vers la famille. Tom pressent ce qui va se passer et indique d’emblée qu’il n’est pas prêt pour un long sermon. La maman réfléchit : on n’a changé ni la brosse à dents, ni la marque de dentifrice. Mais elle se souvient d’un autre détail : le mois dernier, Tom est allé chez le dentiste. Là, on lui a dit qu’il devait mieux se brosser les dents. Lors de la visite suivante, on lui apprenait que tout était en ordre. Mieux : le dentiste lui dit que doréna-vant, les filles accepteraient de l’embrasser. Une boutade bien inten-tionnée de la part du dentiste… sans penser à la manière dont elle serait perçue par un adolescent autiste.

Anne se tourne maintenant vers Tom. L’adolescent n’a pas envie de longues palabres et il l’a fait savoir : pas de sermon aujourd’hui ! Anne cherche de l’aide dans les boutons de la Communication concrète. Avec les meilleures intentions du monde, elle a toujours beaucoup parlé lors des entretiens précédents. Mais aujourd’hui, elle va privilégier la clarté et l’aspect visuel de la communication. “Sermon”, écrit-elle sur une feuille de papier. Elle demande à Tom ce que cela veut dire. “Toujours ces mêmes jérémiades à propos de mon retard… Ici, à la maison, à l’école… J’en ai marre !”
Anne poursuit en étayant visuellement son discours : “en retard pour le bus -> sermon à la maison et à l’école”. Elle demande ensuite à Tom pourquoi il est si souvent en retard. Pas de réponse. Tom ne le sait pas. Anne trace un point d’interrogation sur la feuille : “? -> en retard pour le bus -> sermon à la maison et à l’école”. Anne est surprise. Tom n’a-t-il vraiment pas conscience qu’il est en retard parce qu’il se brosse les dents pendant une demi-heure ? C’est pourtant évident ! L’aurait-elle surestimé ?

Anne demande à l’adolescent s’il a envie de savoir ce qu’elle en pense. Tom hoche la tête. Anne complète le schéma : “une demi-eure de brossage des dents -> en retard pour le bus -> sermon à la maison et à l’école”. Tom regarde la feuille avec un regard étonné. “C’est possible”, réagit-il, apparemment rasséréné. Il voit enfin le lien entre son brossage prolongé des dents et son retard à l’arrêt de bus. Mais il tente pourtant encore de se défendre : le dentiste ne lui a-t-il pas dit qu’il devait mieux se brosser les dents ? Puisque deux minutes ne suffisent visiblement pas, logique de le faire plus longtemps ! Surtout si cela lui vaut un bisou de la part d’une fille ! Tom ne manque donc pas de moti-vation. En communiquant de façon plus concrète, Anne a mieux compris l’enjeu. Elle décide de poursuivre sur la Double voie.
Elle se focalise sur les deux boutons du PC-11 : à l’aide d’une vidéo sur YouTube, Tom apprend que la qualité du brossage n’est pas une ques-tion de temps et que se brosser les dents trop longtemps peut même avoir un effet contraire ! En effet, en insistant trop longtemps, il risque d’abimer l’émail de ses dents et ses gencives. Anne lui présente une alternative claire : se brosser les dents moins longtemps mais plus effi-cacement, suivant le principe des trois faces (face interne, face supé-rieure et face externe). Anne et Tom s’exercent ensemble… pas plus de deux minutes ! Conclusion ? L’astuce de la chanson pour indiquer la fin du brossage n’est absolument pas utile dans le cas de Tom.

L’approche d’Anne apparaît rapidement comme une réussite. Il faut dire qu’elle a aussi tenu compte de l’individualisation de Tom. Et fourni un travail sur mesure, en fonction de son âge (même s’il n’y a pas que les adolescents qui s’intéressent aux bisous des filles), du recours à YouTube, de sa situation spécifique (la visite chez le dentiste)… Ajoutez à cela qu’Anne n’a pas vu dans la réticence de Tom un problème de motivation. L’option de départ ‘Arriver à l’heure pour prendre son bus’ ne serait sans doute pas apparue aussi Fonctionnelle aux yeux de Tom. Ça, c’est surtout un objectif pour son entourage. Tom lui-même est ravi d’arriver à l’école en dehors de l’agitation. En instaurant une conversation claire, Anne a davantage investi dans les objectifs généralisables du genre ‘si tu te brosses mieux les dents, tu auras plus de chances de recevoir des bisous’ et ‘en arrivant à l’école à l’heure, tu auras plus de temps pour bavarder avec tes amis’. Tom a trouvé ces objectifs nette-ment plus passionnants, même si Anne ne s’est pas aventurée dans des promesses vaines, comme le fait que l’adolescent serait embrassé à coup sûr maintenant que…


Fiona dérange sa collègue au travail.
Quelles sont les options du chef d’équipe?

Fiona, une femme adulte atteinte d’autisme, se débrouille plutôt bien sur son lieu de travail. On lui confie pas mal de responsabilités dans le cadre de son travail administratif. Son chef d’équipe lui assigne des tâches précises deux fois par jour, le matin et le midi. Tout est fait pour maintenir son niveau de stress dans des limites acceptables. L’autisme étant déjà assez difficile à vivre, le travail ne doit pas apporter de pression supplémentaire. Et pourtant…

Lors d’une réunion de travail, ses collègues expriment néanmoins des doutes. « Fiona n’arrête pas de passer nous voir, apparemment sans but précis. Elle ne pose pas de questions spécifiques ni rien de ce genre, elle vient tout simplement pour bavarder. Tout ça, c’est très bien, sauf qu’elle nous empêche de faire notre travail! »

Ses collègues ont donc accroché une pancarte « Ne pas déranger » à la porte comme dans les hôtels. Un stratagème qui fonctionne pendant un moment. Fiona n’entre pas dans la pièce tant que la pancarte est présente. Mais, après quelques jours, un autre « problème » fait son apparition : Fiona appelle ses collègues sur la ligne interne plusieurs fois par jour. De nouveau sans raison apparente.

Le chef d’équipe a une certaine connaissance de l’autisme. « Fiona ne comprend pas qu’elle dérange. Elle essaie de tisser des contacts sociaux mais elle ignore encore certaines choses », indique-t-il à ses collègues. « Lui expliquer qu’elle ne peut passer ou téléphoner que pour des choses importantes ne sert pas à grand-chose. Une personne atteinte d’autisme ne fait pas facilement la différence entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. »

Les collègues de Fiona veulent se montrer compréhensives, mais aussi venir à bout de leur travail. Le panneau de contrôle PC-11 peut-il apporter une aide?

Sur son lieu de travail, Fiona côtoie des collègues pleines de bonne volonté. Et le chef d’équipe explique de manière intelligible certains fondements de la cognition autistique. On a déjà visualisé les moments où Fiona peut passer ou non sans déranger. Cela démontre beaucoup de bienveillance envers l’autisme, non?

En fait, faire preuve de bienveillance envers une personne autiste ne se limite pas à s’intéresser à elle. Tout comme Fiona ne se définit pas seulement à travers son autisme. Loin s’en faut. Et c’est là que se situe le piège. Dans cet exemple, l’employeur fait tellement d’efforts pour maintenir un faible niveau de stress qu’il en résulte que Fiona est sous-estimée. Du moins en ce qui concerne ses compétences en termes d’employabilité. Lorsque le chef d’équipe, qui préconise d’activer le bouton de la cognition autistique, analyse en détail les axes du confort de base, un élément saute aux yeux très vite. Les tâches qui sont confiées à Fiona sont peut-être trop simples. Elle les accomplit rapidement et se trouve face à du temps inoccupé qu’elle ne sait pas remplir. Et une femme désireuse d’entretenir des contacts comme Fiona profite de ce vide dans son emploi du temps pour aller à la rencontre de ses collègues. Sur le panneau de contrôle de l’approche Communication concrète, le chef d’équipe place les curseurs dans cette position:

D’autre part, certaines compétences et connaissances font aussi défaut à Fiona. Elle ne réclame pas des tâches supplémentaires quand elle a fini plus tôt. « Parce que le chef d’équipe et moi avons défini le matin et le midi comme moments précis pour la distribution des tâches! ». Et Fiona ne réclame pas d’aide quand elle a terminé. C’est trop lui en demander à ce moment-là. En ce qui concerne cette compétence socio-communicative, le chef d’équipe peut ajuster les curseurs de la manière suivante:

Une approche concrète à double voie s’est rapidement mise en place. On a déjà visualisé de façon claire à quel moment Fiona reçoit ses tâches du chef d’équipe, ainsi que le fait qu’elle ne peut pas déranger ses collègues, mais sans envisager des alternatives. Un petit ajout a produit un grand effet. Une instruction simple a été ajoutée à la liste de ses tâches : « Fini? Appelle le chef d’équipe! ». Grâce à cette adaptation de l’environnement, Fiona ne s’est plus mise en quête de ses collègues dès qu’elle avait terminé ses tâches.

Mais qu’était-elle censée faire? Il était de toute évidence nécessaire de combler ce vide dans son emploi du temps. Mais ce n’était pas toujours simple. Certaines tâches lui prenaient encore trop de temps et d’autres, trop peu. Pour le chef d’équipe, bourrer à fond sa matinée ou son après-midi n’était pas une bonne idée. Il a invité Fiona à venir en discuter avec lui et ensemble, ils ont dégagé des solutions. En fonction du temps libre (parfois cinq minutes, parfois plus d’une demi-heure) dont elle disposait après avoir exécuté ses tâches, Fiona s’est vu proposer trois options par son chef de service. À elle de choisir entre les trois en tenant compte de son niveau d’énergie du moment. Elle pouvait soit accomplir une tâche supplémentaire, soit prendre une pause en plus et en profiter pour faire une balade ou un sudoku. Ce système a fonctionné. Au bout d’un certain temps, Fiona a appelé son chef de service pour l’informer qu’elle allait effectuer une tâche supplémentaire ou qu’elle allait prendre une pause. Par la suite, l’appel téléphonique est même devenu superflu et Fiona a été en mesure de combler elle-même ce vide dans son emploi du temps.

Des adaptations de l’environnement comme l’instruction écrite « Fini? Appelle le chef d’équipe! », un livret de sudokus, un parcours de promenade déterminé…: autant de solutions aux effets bénéfiques qui ont conduit à l’émergence de nouvelles compétences en vue d’atteindre le confort de base.

L’approche sur mesure qui a consisté à définir un éventail de tâches spécifique en tenant compte du niveau d’énergie de Fiona et à remplir de manière concrète ses moments de pause sur la base de ses centres d’intérêt a permis de faire bouger rapidement le curseur de l’individualisation. La fonctionnalité des interventions parle d’elle-même : Fiona peut tout mettre en pratique rapidement et généraliser vers les moments de loisirs dans sa vie privée. Sans oublier que cette approche est bénéfique pour Fiona comme pour ses collègues et que tout semble bien se passer. Mais nous devons aussi vous révéler comment la situation a évolué. Au bout d’une semaine, Fiona a ajouté une nouvelle activité à effectuer pendant ses pauses. Peut-être que le temps n’était pas au beau fixe pour une promenade ou qu’elle n’avait pas envie de se plonger dans un sudoku. Quoi qu’il en soit, Fiona a eu envie de faire autre chose et elle a demandé à son chef de service si elle pouvait préparer du café pour toute l’équipe. Mais elle ne connaissait pas encore le fonctionnement de la machine à café de la cantine. Après une démonstration concrète par son chef d’équipe (et quelques petits rappels sur un post-it près des filtres à café), ses collègues ont eu l’agréable surprise d’avoir du café tout frais à disposition au moment de leur pause.


Martin refuse de collaborer en classe.
Quelles sont les options de l’ institutrice de l’ enseignement spécialisé?

Âgé de dix ans, Martin souffre d’autisme et de déficience mentale grave. Il est scolarisé dans l’enseignement spécial. Son institutrice a prévu une séance d’apprentissage individuelle. Un coin spécial a été aménagé à cet effet dans la classe. Martin refuse régulièrement de s’installer à table. Une transition qui exige beaucoup d’énergie.

Pourtant, l’enseignante prévoit des exercices amusants. Elle a ainsi construit une tour avec des briques de Lego que Martin est supposé copier pour apprendre à reproduire des modèles. Même s’il adore les Lego, il abandonne rapidement parce qu’il ne sait pas quoi faire. Et l’institutrice doit l’encourager brique après brique: « Allez, Martin, tu en es capable. Continue. Quelle est la prochaine étape? ». Mais Martin quitte régulièrement la table…

L’enseignante lui propose une deuxième tâche qui consiste à reconnaître des catégories parmi des objets concrets. Martin doit trier des bouchons et des vis qui diffèrent légèrement. Mais cette deuxième tâche comme la première est rarement menée à bien.

Le succès sera peut-être au rendez-vous avec une troisième activité? Pour développer sa motricité fine, Martin doit tracer des lignes droites sur une feuille de papier à l’aide d’un gros marqueur. L’institutrice lui montre à chaque fois l’exemple en traçant elle-même une ligne. Mais malgré ses nombreux encouragements et instructions, cela se solde chaque fois par un échec. Martin abandonne vite ou refuse tout simplement de participer.

Que faire?

L’institutrice a recours au panneau de contrôle PC-52 pour contrôler ce qu’elle fait en classe. Martin refuse souvent de prendre place à la table, s’enfuit régulièrement, ne participe pas la plupart du temps, abandonne vite… Il apparaît rapidement que les activités proposées sont en décalage avec les possibilités du jeune garçon. Le confort de base fait défaut. Martin a peut-être besoin d’avoir des réponses aux questions suivantes : « que dois-je venir faire à table? », « combien de temps cela va-t-il prendre? », « pourquoi dois-je exécuter cette tâche? », « qu’est-ce que ça m’apporte? ».

Si elle veut que Martin apprenne quelque chose, l’institutrice doit miser davantage sur le confort de base. Cela peut se faire en faisant intervenir d’autres sections du panneau de contrôle.

On examine tout d’abord le bouton principal. Prend-on encore en considération les possibilités et les limites de la cognition autistique de Martin? Il ne peut pas actuellement connaître la durée approximative d’une session d’apprentissage. Il n’en voit pas la fin. L’institutrice va-t-elle construire avec lui de nouvelles tours pendant des heures? Évidemment pas, mais Martin en est-il conscient? Il faut donc clarifier tout ça ! Et l’enseignante le fait en faisant appel aux éléments Communication concrète et Double voie. Elle dispose de nombreuses possibilités pour pouvoir pousser vers la droite le curseur Environnement.

On examine tout d’abord le bouton « temps ». Compte tenu du niveau intellectuel de Martin, la communication concrète est la plus appropriée. Préparer de manière visible les activités avant de débuter la séance d’apprentissage lui permet de visualiser plus précisément ce qui doit être fait. Les voir ensuite disparaître une par une favorise aussi une meilleure compréhension du déroulement. Et l’information est constamment disponible. Martin peut visualiser les tâches en permanence et a donc une meilleure idée de leur durée.

Ensuite, l’institutrice active le bouton « activité » et imagine de nombreuses adaptations respectueuses de l’autisme. Comme Martin ne connaît pas d’avance le nombre de tours qu’il devra reproduire, elle rend cette activité plus prévisible en construisant à l’avance deux tours. Les briques dont Martin a besoin lui sont fournies dans un panier. De quoi réduire le nombre de sensations et favoriser une plus grande clarté. Le cas échéant, l’institutrice peut également trier les briques au préalable pour adapter le degré de difficulté. Les autres activités, à savoir le tri par catégorie et les lignes à tracer, font également l’objet de quelques modifications sur lesquelles nous reviendrons plus longuement dans un instant.

Un troisième bouton en matière d’adaptations de l’environnement de la Double voie incite l’enseignante à réfléchir sur elle-même: en effet, le bouton « comportement » l’amène à se pencher sur ses propres actions! Animée des meilleures intentions, l’enseignante a essayé de motiver Martin et de l’aider en lui parlant énormément. Il se peut que ce flot de paroles provoque chez lui une surstimulation. Par ailleurs, ses instructions ne semblaient pas toujours claires. « Continue, Martin! » est beaucoup moins explicite que « Prends une brique rouge, Martin ». La communication implicite du style « Et maintenant? » a souvent eu pour effet de faire fuir Martin. Alors que l’enseignante voulait qu’il réfléchisse à la brique à saisir ensuite, Martin y a peut-être vu une allusion à la récréation? En montrant les briques, elle aurait pu ralentir le rythme d’apprentissage pour augmenter les chances que Martin comprenne exactement à quoi elle faisait référence. Une façon pour l’institutrice de travailler sur les sensations, la clarté et le degré de difficulté de son comportement!

Un quatrième bouton dans cette section du panneau de contrôle permet d’opérer encore plus d’adaptations indispensables : les « conséquences ». L’enseignante a peut-être en tête des objectifs d’apprentissage fonctionnels et sait donc pourquoi elle propose ces tâches, mais la question est de savoir si Martin en voit aussi l’utilité. Nous examinerons par la suite comment accroître la fonctionnalité des tâches, mais, même dans ce cas, l’effet ne sera visible qu’à long terme. Trop long pour motiver Martin au moment même. Prévoir pour lui une récompense concrète n’est peut-être pas une mauvaise idée. Par exemple un petit jeu dont il raffole. Cela peut aussi être préparé à l’avance après la série de tâches. Grâce à cette manière concrète et explicite de communiquer, Martin réalise qu’il y a une conséquence agréable à la clé!

Ces adaptations de l’environnement, où l’enseignante se concentre surtout sur la réduction des sensations et une communication plus concrète, permettent d’activer de nombreux boutons dans la section Double voie. De quoi rendre la situation beaucoup moins stressante pour Martin.

Et naturellement, l’institutrice de Martin n’a pas perdu de vue les autres fondements de la méthodologie d’Autisme Central. L’individualisation de son élève a fait l’objet d’une attention toute particulière. Son âge, son degré d’intelligence et ses intérêts se sont reflétés dans différentes activités proposées à la table d’apprentissage. L’institutrice voulait même dessiner des personnages tirés de ses dessins animés préférés lors de l’activité de motricité fine, mais à partir du moment où Martin ne réussissait pas à tracer de simples lignes, cela revenait sans doute à placer temporairement la barre trop haut.

Le panneau de contrôle a apporté encore plus d’inspiration: les activités étaient calquées sur son niveau de compréhension, mais le bouton « intelligence » n’a pu être activé que lorsque l’enseignante a eu recours au préalable à la communication concrète pour un grand nombre d’adaptations plutôt que de donner par voie orale des instructions et des encouragements. De plus, toutes ces sensations verbales entraient aussi en confrontation avec un autre bouton : le « profil sensoriel » de Martin. Le jeune garçon s’est avéré hyper réactif au bruit et, même si cela partait de bonnes intentions, les sensations sensorielles venant de l’enseignante semblaient parfois insupportables. Le bruit n’est pas le seul facteur qui fait grimper le niveau de stress de Martin. Il est aussi très sensible aux odeurs. Cela explique peut-être ses difficultés dans l’activité qui impliquait des marqueurs? Pour clarifier l’activité, l’institutrice a opté pour des lignes à tracer en suivant des pointillés et sélectionné parmi différents marqueurs des variantes moins parfumées que Martin pouvait utiliser.

Enfin, l’activité de tri était limitée sur le plan de la fonctionnalité. Pour Martin comme pour son environnement. À quel moment de sa vie devra-t-il trier ce genre d’objets? Dans sa vie quotidienne, il n’est pas régulièrement confronté à des objets comme des bouchons et des vis. Et encore moins quand ils sont mélangés dans une seule boîte. L’objectif d’apprentissage qui porte sur la reconnaissance de catégories, est en soi fonctionnel mais le matériel utilisé l’est peut-être nettement moins. Choisir des jouets avec lesquels Martin s’amuse aurait peut-être été plus logique ici. Ce type de matériel se prête en outre à une généralisation: il peut apprendre à mieux ranger à la maison et développer ses compétences. De plus, il peut s’en occuper lui-même, ce qui est bénéfique pour son autonomie, et cela stimule son sentiment d’appartenance au moment même avec ses parents, qui s’en réjouiront.

L’activité impliquant des Lego est également très fonctionnelle. Quand Martin aura développé la compétence de reproduire des petits modèles, il pourra être plus autonome et s’occuper plus longtemps à la maison. Le sentiment d’appartenance par rapport à son petit frère s’en trouvera renforcé, car celui-ci ne tardera pas à s’intéresser à ses constructions. Le bouton « Court terme – Long terme » a pu être exploité dans de multiples directions: les simples tours d’aujourd’hui peuvent facilement être agrandies avec des murs pour aboutir plus tard à des modèles plus complexes. Martin est peut-être en train de construire un vrai château? Bon à prendre aussi: les Lego sont toujours une bonne idée. En d’autres termes, une activité avec des Lego se prête dans une large mesure à des objectifs généralisables. Rien n’empêche Martin de faire des constructions en Lego à l’occasion d’une visite chez sa grand-mère. Les réunions de famille n’en seront que moins stressantes pour lui et son entourage. Tout cela a conduit à faire naître un sentiment positif (et donc à renforcer le sentiment d’appartenance) avec sa maman et son papa. L’inspiration que l’enseignante a puisée dans le panneau de contrôle a aussi débouché sur une évolution positive à la maison!


Pour approfondir davantage, consultez aussi notre CP-52